Je crois au verbe, à la force instituante de la parole.
L’essentiel serait de retrouver le ressort cassé,
le lien fondateur entre le mot et nos êtres.
Pour arriver, un jour, à ce mot qui nous refonderait,
nous pousserait à exister pleinement, où que l’on soit.
Aussi secrets que les voyages
sont les poèmes
ils ne connaissent
comme les bouteilles jetées à la mer
que le pont
le coeur d’où ils sont tombés
Je regarde les avions s’écraser
les bateaux sombrer
c’est une façon de parler
mais en vrai ça me distrait
de guetter les catastrophes
que notre humanité catastrophique
s’inflige en continu
J’ai voulu prendre en photo l’autoportrait du peintre, mais c’est moi qui me trouve pris, saisi au vif par l’artiste araignée qui m’installe, mine de rien, dans sa toile, me défigure, puis me pose dans un coin comme un bout de Bacon oublié.
Tu seras riche, riche, riche
Riche, riche, riche, riche
Oh ! Que tu seras
Riche, riche, riche, riche
Si tu connais plus de mots
Que le mot argent.
J’écris des poèmes allumettes
des petites flammes
qui ne réchauffent rien
et qui me brûlent
le bout des doigts
Au bout de l’éternité,
Quand il n’y aura plus d’abeilles,
Il n’y aura plus de nouveau-nés.
Plus de tombes.
Plus de cimetières.
Alors,
La mort mourra à son tour.
Mais avec la mort de la mort,
Plus personne ne pourra dire qu’il ne reste rien.
Octobre a le goût
D’une bolée de cidre
Et de la tarte tatin qui est restée coincée dans la liste des promesses à tenir
J’écris comme je pense sur ma ligne de production
divaguant dans mes pensées seul déterminé
J’écris comme je travaille
À la chaîne
À la ligne
Par quelle phrase
Incertaine
Toujours effacée
Oser dire aux murs
Que d’autres
Se taisent
Sur le mur d’une école
le mot liberté a été écrit avec de la craie blanche
par les petites mains des écoliers.
Sur le mur de l’Histoire
la liberté a écrit leurs noms
avec du sang.
Papa !
C’est fou la force de ce mot. C’est un coup de feu à bout portant avec une balle d’amour dans la bouche.
Ça te dit que tu existes comme tu n’as jamais existé pour personne. C’est un appel qui happe le présent pur, il t’avale. Il t’oblige à être ici : ici même, hic.
Tu ne sais pas ne pas y répondre, parce que voilà : tu es là, elle est là et son appel jette une passerelle vers toi que tu n’empruntes même pas : elle te traverse de
part en part, elle te crée deux bras de plus, des jambes en mieux, un visage et une voix doubles.
Un nous. Papa. C’est le premier mot qui sort un jour des lèvres de ton bébé et qui veut dire "lié". Deux.
Fonduensemble. Plus jamais seul. L’unique mot absolument plein de la langue.